L’édition 2019 du Smart City Expo World Congress (SCEWC 2019) couplée au Smart Mobility Congress a été un succès à en croire les chiffres fournis par les organisateurs, avec une audience en croissance : 24 000 visiteurs cette année (21 000 l’an passé), plus de 1 000 exposants (844 en 2018) venant de 146 pays, ainsi que 90 événements connexes organisés autour de ce rendez-vous mondial des Smart Cities.
La France y était présente autour du pavillon de Business France, accueillant une vingtaine d’acteurs français de la Smart City, certaines de nos ″Smart Cities″ y battaient également pavillon au premier desquelles la Métropole de Lyon, et bien sûr nos grands industriels des services urbains : Engie, Suez, EDF… y présentaient leurs solutions innovantes pour une ville plus efficiente, plus sobre et plus humaine.
La ville humaine était certainement un des grands thèmes les plus passionnément débattus lors des différentes tables rondes et conférences. Plaidoyer cathartique face à l’invasion ressentie des technologies, recentrage sur des valeurs plus humanistes… ? Quoiqu’il en soit, il s’agit bien de lier les promesses de progrès fruit de toutes ces innovations, notamment technologiques, à une quête de sens pour la vie quotidienne des citoyens.
Evidemment l’écueil serait de rejeter le bébé avec l’eau du bain, en niant l’apport des innovations et des progrès techniques au motif qu’ils seraient trop complexes à mettre en œuvre, peu durables et trop anxiogènes pour certains. Au contraire la question qui se pose à chaque acteur économique et public est bien la maitrise des technologies, pour en tirer parti, avancer et produire des innovations de services qui vont rencontrer des usages et créer de la valeur, que cette dernière soit économique ou génère des externalités positives y compris non financières, en contribuant à la qualité de vie ou à une meilleure prise en compte des impacts environnementaux par exemple. C’est bien entendu de ces sujets dont il fut question au #SCEWC2019.
Les plateformes de la Smart City
L’édition 2019 du Smart City Congress de Barcelone a été l’occasion pour les différents fournisseurs d’exposer leurs plateformes smart city. Fournisseurs de briques technologiques tels que Cisco, Huawei, Microsoft, Oracle… Opérateurs de services urbains tels que Engie, EDF et sa filiale Citelum, Suez … Editeurs de logiciels spécialisés tels que ESRI, OpenDatasoft, Intent-Technologies, ou consortium d’acteurs tel que Fiware, les solutions pour constituer sa plateforme smart city sont nombreuses, leurs fonctionnalités diverses, les standards sur lesquels elles s’appuient, pas toujours matures. Pas simple dans ce contexte de s’y retrouver.
Néanmoins à l’heure où la donnée apparait comme la nouvelle matière première d’un monde toujours plus digitalisé la question des plateformes de données reste un sujet et un enjeu majeur dans l’élaboration d’une politique smart city. Pour résumer le chemin déjà parcouru et celui qui reste à parcourir, brossons un rapide portrait de la situation.
Les systèmes d’information géographiques (SIG ou GIS en anglais) sont des outils déjà largement utilisés par les territoires pour situer et monitorer les infrastructures publiques notamment. On parle beaucoup de Google et de son GoogleMaps mais le leader de ce segment d’outil est l’éditeur de logiciel ESRI qui était présent au #SCEWC2019 au côté d’un autre leader, la société Autodesk, qui domine notamment le marché des solutions BIM. Il était intéressant de constater que deux leaders sur des marchés connexes : le bâtiment et le territoire faisaient cause commune pour proposer des intégrations entre leurs deux univers applicatifs, un prélude à une fusion BIM – CIM ?
L’Open Data qui vise à rendre les données, notamment les données publiques, accessibles et ouvertes pour tous. Les solutions, telles que celles proposées par la plateforme OpenDatasoft, existent et sont d’ailleurs assez largement diffusées, il n’en demeure pas moins que l’on constate une certaine difficulté dans leur déploiement à l’échelle ; question de culture et de ressources, au premier rang desquelles humaines, plus que de technologie et de disponibilité des solutions.
Les hyperviseurs urbains nouvelle tendance en plein boom, étaient en démonstration au #SCEWC2019, que ce soit sur les stands des villes, notamment asiatiques comme Shangaï, ou chez les fournisseurs de solutions tels que Huawei, Cisco, Microsoft, Deloitte, Engie… Gage d’une cité mieux monitorée, plus efficiente dans la gestion de ses grandes fonctions : trafic, éclairage, sécurité, énergie, environnement… les hyperviseurs fleurissent dans les grands centres urbains, asiatiques en premier lieu, mais aussi européens et français (cf. les projets de Dijon, Angers et d’autres…).
La Data Plateforme Urbaine enfin, est sans nul doute l’étape la plus complexe mais aussi la plus importante à franchir. L’élaboration de ce centre névralgique, orchestrateur des données du territoire, a pour objet de collecter l’incroyable diversité des données disponibles, provenant des objets et systèmes connectés (IoT), des systèmes de gestion de la ville, des citoyens et usagers et de les rendre disponibles pour nourrir une offre applicative et de services toujours plus vaste. La complexité vient outre la diversité des systèmes et technologies à intégrer, d’un manque flagrant de standards, rendant les choix d’autant plus délicats.
Pour éclairer ce dernier thème on peut néanmoins guider ses choix en priorisant ses attentes et objectifs :
- Le fait de s’appuyer sur un éco système technologique riche, robuste et pérenne en bénéficiant de l’expérience d’autres secteurs sera un atout pour les grands éditeurs de briques technologiques tels que Microsoft, Cisco, Oracle, Huawei…
- Le fait de privilégier un éco système industriel éprouvé, ayant une connaissance intime des services urbains et s’appuyant sur les briques technologiques des grands éditeurs des TIC, sera un atout pour des industriels des services urbains tels que Engie, Suez, EDF …
- Le fait de vouloir assembler des briques technologiques provenant de différents fournisseurs et développer des solutions sur mesure sera un atout pour les grands intégrateurs tels que ATOS, CapGemini, Gfi, ou cabinets de conseil tel que Deloitte qui avait un stand entier consacré à cette thématique lors du #SCEWC2019…
- Le fait de privilégier une solution 100 % open source militera pour une architecture de référence telle que celle présentée par la fondation Fiware par exemple
- Le fait de s’inscrire dans une démarche d’innovation et d’expérimentation, de privilégier une construction étape par étape, voire quartier par quartier, sera un atout pour les sociétés innovantes, notamment celles issues du territoire national, régional ou local. Citons à ce propos la société Intent-Technologies présente au #SCEWC2019 et qui pas à pas fait son chemin depuis son marché initial du logement social jusqu’à afficher aujourd’hui l’ambition de servir le quartier et demain la ville
Aucune de ces démarches n’est exclusive et il n’y en a pas une meilleure que l’autre dans l’absolu. Tout l’enjeu pour les Smart Cities sera de bâtir en amont un plan directeur de leur système d’information urbain, d’en constituer la gouvernance, d’en définir la roadmap et cela ne pourra se faire que par un processus itératif intégrant l’ensemble des parties prenantes : collectivités, industriels, startups, citoyens, usagers, en mixant les compétences politiques, urbanistiques, numériques, environnementales…
Un long chemin vers la digitalisation de la Smart City.