Dès 2030, 2 milliards de personnes auront plus de 60 ans dans le monde, soit près d’un tiers de l’humanité ! En France en 2060, 4,8 millions de seniors auront dépassé l’âge de 85 ans ! Des chiffres qui conduisent à s’intéresser aux nouveaux besoins liés à l’avancée en âge et aux innovations de la Silver Economie[1], qui, pour le gouvernement, « touche à l’habitat, à la domotique, au numérique, aux transports, à la perte d’autonomie, à la santé, aux services à la personne… »[2]. Dans ce contexte, Philippe Metzenthin, pilote de la Commission Autonomie consacrée au maintien à domicile, dresse un état des lieux des technologies les plus appropriées pour prêter main forte aux personnes âgées.
Quels sont les besoins des personnes âgées dans leur logement ?
Philippe Metzenthin – Même s’il est difficile de catégoriser les seniors par tranches d’âge, on peut néanmoins distinguer trois populations avec des besoins d’aide à l’autonomie différents. Commençons par les jeunes seniors, qui ont quitté la vie active récemment. Ils ont entre 65 et 75 ans et n’ont pas de besoins particuliers. Ils occupent toujours leur domicile, mais ils se projettent dans leur nouvelle vie dans un logement qu’ils veulent enrichir pour l’adapter aux évolutions de leur santé, leur sécurité, leur mobilité.
Viennent ensuite les seniors de 75 à 85 ans, pour lesquels les premiers besoins de services à la personne et d’outils numériques se font sentir. Même si leur niveau d’autonomie reste entier, leur mobilité est plus difficile, certains gestes plus compliqués à exécuter et les risques de chutes apparaissent. La baignoire est remplacée par une douche à l’italienne, les toilettes sont surélevées et équipées d’une poignée de maintien. Ils vont vouloir renforcer leur sécurisation et l’accessibilité de leur logement. Certains vont déménager, pour des appartements en agglomération proches des commerces, des transports publics et des services de santé, pour des logements fléchés dans des habitats sociaux, ou encore pour des résidences Seniors privées ou des résidences Autonomie publiques ou associatives. Ils vont recourir à des services à la personne pour les aider à faire le ménage et la cuisine, à sortir de chez eux pour faire leurs courses, ou simplement se promener, pour lutter contre de nouveaux risques : chute, dénutrition, isolement, perte de lien social…
Enfin, les personnes de plus de 85 ans entrent dans une phase de plus grande fragilité, où la perte d’autonomie s’accélère. Avec la durée de vie qui s’allonge, cette population pourrait s’accroître de plus de 85 % au cours des 20 prochaines années. Si ces personnes vont chercher à rester le plus longtemps possible à leur domicile, nombreuses sont celles qui rejoindront les EHPAD, de plus en plus âgées et de plus en plus dépendantes. Partant de ce constat, la capacité d’accueil adaptée à l’avancée en âge devra augmenter.
Quelles sont les solutions liées au bâtiment spécifiquement développées pour les personnes âgées ?
Philippe Metzenthin – Les solutions les plus utiles pour les personnes âgées répondent à quatre attentes principales : confort de vie, sécurité, lien social et suivi de santé. Avec l’âge en effet, les seniors ont besoin d’améliorer leur confort de vie. L’ajout d’automatismes dans les appartements leur permet de piloter facilement l’éclairage et les ouvrants, en actionnant une commande simple depuis le fauteuil ou le lit. Autre solution : l’éclairage nocturne à déclenchement automatique est particulièrement pratique pour guider les personnes âgées dans l’obscurité jusqu’à la salle de bain ou la cuisine, sans les éblouir.
Les seniors sont par ailleurs attentifs à la sécurité, qu’elle soit pour leur logement (un bouton de commande leur servira par exemple à fermer portes et volets en un seul clic ou à maîtriser les accès à leur appartement) ou pour leur personne. Le numérique permet non seulement d’alerter un aidant en cas de chute de la personne âgée, mais aussi de fournir des indicateurs pour évaluer le niveau d’activité et l’évolution de la perte d’autonomie. En matière de solution, il convient en effet de développer des outils plus axés vers la prévention pour détecter en amont les candidats à la chute. Et évidemment, pour la sécurité du senior, les technologies doivent être associées à l’intervention humaine, sinon elles ne servent à rien.
Ajoutons que le vieillissement conduit généralement à l’isolement, à l’appauvrissement des relations, voire à la dépression. Dans ce contexte, les solutions qui renforcent le lien social sont positives – réseaux sociaux spécialisés, partages de vidéos… Reste à adapter les interfaces à l’usage des personnes âgées.
Enfin, les services d’accompagnement aux soins en établissement ou à domicile sont particulièrement intéressants. Mais ils sont encore beaucoup trop peu développés à ce jour. Le cadre sanitaire est en effet très réglementé et le corps médical n’est pas toujours préparé au déploiement de ces solutions de suivi de santé connectées. Gageons que la situation évolue sachant que d’autres populations, comme les diabétiques par exemple, utilisent depuis longtemps des technologies numériques.
[1] La Silver Economie désigne l’écosystème social et économique au service des personnes âgées de plus de 60 ans. « L’enjeu : encourager les innovations pour accompagner l’avancée en âge et faire reculer la perte d’autonomie. »
[2] https://www.economie.gouv.fr/entreprises/se-lancer-dans-la-silver-economie
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