« Le rêve moderniste de l’architecte créateur d’une alter-réalité doit céder la place à une ″vision″ inclusive et évolutive de notre cadre de vie actuel, en continuité avec notre histoire, nos valeurs et notre patrimoine. » Tel est le point de vue de l’architecte Silvio d’Ascia, qui imagine la ville se transformer, dans une réalité augmentée par le numérique et améliorée par l’utilisation intelligente et démocratique des nouvelles technologies, au service de l’environnement et de la collectivité. Une révolution urbaine incarnée par son projet de mini data center au cœur des villes, véritable cerveau de la smart city !
« L’aspiration de la tabula rasa de la ville du passé est finie, affirme Silvio d’Ascia, alors même que cette aspiration encore bien présente dans la plupart des visions d’architectes de la ville du futur, où une densité urbaine excessive et irresponsable est simplement édulcorée par la présence générique, décorative, diversive et instrumentale de la nature en façade et en toiture des mêmes gratte-ciels du passé moderniste… Nous n’avons vraiment plus besoin en effet d’une hyper croissance démesurée et anachronique de tours et de nouvelles constructions qui détruisent notre environnement fragilisé par un siècle de capitalisme effréné et de consumérisme irrationnel ! La croissance économique et urbaine ne doit plus être destructive et irresponsable. »
Une approche résolument humaniste, régénérée par le numérique
Silvio d’Ascia croit ainsi qu’il est temps de construire différemment les villes, en profitant des opportunités offertes par le numérique, avec une approche résolument humaniste. Pour l’architecte, les nouvelles technologies doivent nous aider à retrouver un équilibre avec notre environnement. Pour ce faire, elles doivent être mises au service de l’homme et de la planète, pour être en mesure de préserver et valoriser les ressources, de gérer au mieux les énergies et les forces vives, et d’assurer la pérennité et la transmission des biens communs et du bien-être au sein de notre seule maison commune qui est la Terre !
Des mini data centers urbains, cerveaux numériques de la ville
Le numérique doit donc se trouver au cœur des villes et villages, clairement visible et accessible, en tant qu’outil au service de l’homme pour faire face aux nouveaux défis énergétiques, sociologiques et économiques de notre époque. « Il ne s’agit plus de faire du ″Green-washing″, souligne Silvio d’Ascia, mais d’innerver nos villes de micro grids et de réseaux intelligents, gérés localement et pilotés par un réseau connecté de mini data centers urbains, cerveaux numériques de la 3e révolution urbaine. »
L’idée de ces data centers au cœur de la ville est venue lorsque l’architecte concevait des centres de données en Chine, au début des années 2000. « La Chine entendait montrer sa puissance, se souvient Silvio d’Ascia. Mes clients voulaient un beau data center pour le faire visiter et montrer, à travers leur puissance numérique, à quel point ils étaient forts et intelligents. » Or en occident, c’est tout l’inverse : les technologies sont cachées, encore plus les data centers, relégués à la périphérie des villes dans des hangars impersonnels. Ce constat a été révélateur pour l’architecte, qui a décidé de revenir en Europe, pour apporter son expérience des centres de données et de stockage, et sa vision humaniste de la transition numérique et énergétique dans les villes.
Des principes technologique, énergétique, géopolitique et éthique
Pour Silvio d’Ascia, le numérique doit devenir visible et incarné. C’est ce qu’il a imaginé avec ses mini data centers urbains, qui répondent à quatre grands principes.
- Technologique – Les données numériques doivent être traitées le plus près possible des usagers et des usages. L’Edge, qui est déjà une réalité de l’actuelle infrastructure numérique, permet d’assurer une meilleure protection des données, une meilleure efficacité des applications IoT et une meilleure performance de l’Intelligence Artificielle. « Cette proximité apportée par l’Edge est d’autant plus importante, que la bande passante sera bientôt saturée dans le Cloud, souligne-t-il. Le risque d’embouteiller les voies numériques est une certitude à venir. »
- Énergétique – Au cœur de la ville, la chaleur produite par le mini data center urbain peut être transférée facilement aux bâtiments environnants, par un système de récupération et transfert des énergies fatales et par un contrôle numérique des calories provenant des salles informatiques.
- Géopolitique – La délocalisation des data center dans les villes est une opportunité ″démocratique″, parce qu’elle permet d’avoir une gouvernance locale de la donnée, mutualisée et partagée. Ainsi, le citoyen joue un rôle actif et opérationnel dans les territoires. En s’impliquant dans la gestion de la collectivité, il va pouvoir piloter, gérer, arbitrer et décider comment utiliser et exploiter les données, au sein du mini data center urbain.
- Éthique et philosophique – « Chaque pouvoir (comme chaque époque) a toujours eu une représentation sur la scène urbaine, explique Silvio d’Ascia, comme l’illustrent, par exemple, les églises et les cathédrales, les halles du marché, les palais de l’aristocratie et les châteaux de la royauté, les bâtiments des institutions républicaines, les centres commerciaux et les gratte-ciels aux États-Unis. » À l’inverse, le numérique n’en a pas. On ne peut réduire le numérique à la représentation d’un homme – ou d’une femme – avec un smartphone ou à celle d’un nuage, ″the Cloud″. « C’est de la pure diversion ! En revanche, le mini data center urbain va incarner notre époque numérique au service de la collectivité. »
Un data center de la taille d’une maison
Silvio d’Ascia a déjà une idée très précise de ce centre de données, construit sur deux étages et un sous-sol. Esthétiquement, son architecture instaure un dialogue décomplexé avec les bâtiments anciens et le contexte historique de nos villes et villages.
« Le rez-de-chaussée de 50 m² abrite une série de guichets urbains pour l’interface numérique au service des citoyens, décrit-il. Ces guichets sont disposés autour d’un noyau central pour monter du sous-sol à l’étage et loger les gaines techniques. Ici, un hub de mobilités décarbonées s’offre à la ville avec des bornes de recharge pour véhicules électriques et tout autre mode doux de circulation urbaine. » C’est ensuite au premier étage de 300 m² qu’on trouvera les serveurs informatiques, qui collectent et traitent les données de la ville, ainsi qu’un centre de pilotage pour gérer l’ensemble des services urbains : de l’énergie à l’éclairage public, de la circulation routière au traitement des déchets, ou encore de la récupération des eaux de pluie aux traitements des gaz polluants de l’air.
La nuit, la collectivité pourra afficher des informations, retransmettre des spectacles, ou relayer des événements sur les façades du data center, au service de tous. « La ville s’approprie ainsi concrètement la dimension numérique, conclut Silvio d’Ascia. Sans compter que l’acceptation des habitants sera plus facile avec un objet physique comme ce mini data center. Le citoyen va prendre le pouvoir localement grâce aux nouvelles technologies digitales, pour préserver son environnement de proximité, afin de transmettre aux générations futures cet espace vital indemne ! C’est cela, pour moi, la 3è révolution urbaine et notre devoir de citoyen du 21è siècle. »