À l’heure du changement climatique, il est plus que jamais urgent de limiter les consommations d’énergie des quartiers et des villes. C’est d’ailleurs la volonté de la plupart des agglomérations, des aménageurs et des promoteurs. Mais, souvent, il existe un décalage entre les performances énergétiques attendues et celles constatées. Dans ce contexte, l’opérateur de services pourra œuvrer pour que les performances rêvées deviennent réalité. Explications.
« Pour l’ADEME, nous avons conduit une étude fondée sur les retours d’expériences observés dans une vingtaine d’îlots et de quartiers à énergie positive, rapporte Éric L’Helguen, Directeur Général d’EMBIX, membre de la SBA et pilote de la commission R2S4Grids. Nous avons constaté que ces opérations urbaines pourtant remarquables ne tenaient pas leurs promesses du point de vue énergétique : généralement 20 % en deçà des attendus. » Et encore, les quartiers étudiés comptent parmi les meilleurs élèves, qui permettaient d’être évalués avec des remontées d’informations réelles.
Le numérique, un outil essentiel pour le suivi de la performance énergétique
Pourquoi un tel décalage ? Selon Éric L’Helguen, la faute viendrait d’un manque de rigueur dans la conception et le suivi et pilotage en exploitation. Lors de la construction des quartiers, les promoteurs se dotent d’un bureau d’études pour réaliser la conception la plus efficace possible. Mais une fois les bâtiments livrés, plus personne n’est missionné pour assurer les performances du quartier dans la durée. « À ce stade, le numérique est essentiel, pour mesurer la production d’énergie renouvelable, la consommation d’électricité par les habitants du quartier, les dérives… Car il n’y a pas de performance sans mesure. Il est facile de visualiser un problème lié à un pont thermique ou une centrale photovoltaïque défectueuse. »
Un quartier plus complexe qu’il convient de gérer et de faire évoluer
Néanmoins, le numérique reste un outil. Un outil précieux qui permet de contrôler et de décider où et comment agir pour améliorer les performances, mais l’humain reste indispensable. « Avant, la gestion de l’énergie et des fluides dans un quartier était aisée, avec une simple connexion au réseau de gaz, d’électricité, d’eau…, souligne Éric L’Helguen. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus complexe avec davantage d’éléments à la maille locale, comme la production d’énergie renouvelable, l’alimentation des véhicules électriques, la modulation d’électricité… » Des éléments qu’il convient de traiter conjointement, pas en silos. Les données des uns doivent servir aux autres.
Tenir la performance et évoluer dans la durée
C’est bien à ce niveau que l’opérateur de services urbain va jouer son rôle, avec la mission de tenir les performances énergétiques du quartier dans la durée et de leur permettre d’évoluer.
« Dès la conception du quartier, sa mission est aussi indispensable que celle de l’architecte, affirme Éric L’Helguen. Pour des besoins esthétiques et de luminosité, on peut en effet choisir de réaliser une façade largement vitrée, avec le risque de faire monter la température les jours ensoleillés et de nécessiter une climatisation énergivore. Entre design et performance énergétique, il faut trouver le bon compromis. C’est l’équation que l’opérateur de services aura à résoudre en permanence. »
Lors du commissioning, à la mise en service d’un îlot de bâtiments par exemple, il veillera à ce que les performances soient conformes avec ce qui avait été prévu et que les conditions soient réunies pour que le niveau de performance perdure.
En phase d’exploitation, l’opérateur de services devra engager les occupants dans une approche écoresponsable. « Nous les impliquons dans une démarche participative, nous les coachons, pour les aider à utiliser intelligemment leur bâtiment et leur environnement, » précise Éric L’Helguen.
Plus globalement sur la durée, il va mesurer, suivre, analyser et piloter les consommations d’énergie, pour agir et réagir aux évolutions d’usages par exemple et s’adapter. « Ce n’est pas parce qu’au départ les sources d’énergie locales produisent plus d’énergie qu’il n’en faut, que les usagers réalisent tous les bons écogestes ou que le confort est optimal, qu’il en sera de même 5 ans après. Le nombre de véhicules électriques peut doubler, une canicule peut entraîner l’acquisition de climatiseurs, l’activité au sein d’un immeuble changer… et les performances risquent de chuter. Nous devons trouver des solutions pour retrouver de bons résultats. »
Vers le jumeau numérique du quartier
Pour mener à bien ces missions, Éric L’Helguen milite pour la mise en place de jumeau numérique des quartiers : un double virtuel qui reproduit fidèlement les rues du quartier, les bâtiments, les réseaux d’électricité, d’eau et de chauffage…, pour simuler son fonctionnement, en prenant en compte ses particularités locales. « On en est loin aujourd’hui, mais ce serait l’idéal pour collecter les données clés, les faire interagir, s’assurer que tout se passe bien. L’approche R2S pourra nous aider dans cette perspective, parce qu’elle implique une garantie d’ouverture et de communication entre les équipements, les bâtiments, l’environnement… »
Aujourd’hui, Éric L’Helguen, via son entreprise EMBIX, applique cette démarche d’opérateur de services urbain sur un quartier lyonnais innovant et durable de 35 000 m², le premier en France à tester un dispositif d’autoconsommation collective à l’échelle de plusieurs bâtiments : Lyon Sollys. « L’énergie produite par une centrale de cogénération au gaz vert fournira de l’eau chaude et de l’électricité aux bureaux et aux commerces le jour et aux habitants en soirée et le week-end, résume Éric L’Helguen. Nous réaliserons la mise en service énergétique des bâtiments, superviserons les performances pour qu’elles tiennent leurs engagements et accompagnerons les occupants pour qu’ils gèrent efficacement leur consommation d’énergie. » À suivre…