Le numérique dans les bâtiments est au cœur de la transition énergétique et environnementale. Les immeubles de logements ne font pas exception. Mais par où commencer pour intégrer ce numérique dans les bâtiments ? Comment s’y prendre ? Vers quels acteurs se tourner ? Pour vous aider avec une méthode appropriée, la SBA a développé le cadre de référence Ready2Services (R2S) résidentiel, qui accompagne pas à pas les projets de construction ou de rénovation de bâtiments intégrant le numérique. C’est une démarche de déploiement globale, claire, progressive, qui vous aide à adopter un usage raisonné du numérique.
Après avoir démontré tout l’intérêt d’installer un réseau numérique dans les immeubles d’habitation et déconstruit certaines idées reçues sur le sujet dans un précédent article, François-Xavier Jeuland, Vice-président Smart Home de la SBA, en décrypte chaque étape pour tirer le meilleur parti du numérique dans le logement collectif.
Étape N°1 – Définir les services nécessaires tant pour les habitants que pour les exploitants de l’immeuble collectif
François-Xavier Jeuland – La définition des services attendus du bâtiment constitue le fondement de la conception d’un smart building. C’est un préliminaire indispensable à la réflexion du projet. Il convient donc d’échanger avec le maître d’ouvrage ou les copropriétaires le plus en amont possible pour déterminer les services à déployer dès la livraison du bâtiment, puis ceux qui seront utiles dans un second temps. La nature des services sélectionnés va guider les choix techniques à opérer : sobriété énergétique, confort et bien-être, sécurité, mobilité, e-Santé et maintien à domicile, services partagés et services généraux. Même s’il est parfois difficile de se projeter, dès la phase conception, la démarche R2S préconise néanmoins de “pré-disposer” des gaines où le réseau numérique pourra s’intégrer plus tard. L’objectif est de prévoir l’avenir et de livrer un immeuble de logements “Ready to Services” (prêt pour accueillir les services).
« La bonne réflexion est toujours de partir des besoins, des usages des habitants et de les retraduire par une dimension technique. »
Nicolas Poirier, Directeur du patrimoine d’Angers Loire Habitat
Étape N°2 – Concevoir un réseau numérique intelligent pour faire circuler les données
F-X J. – Il est en effet indispensable de mettre en œuvre un réseau numérique de convergence des services et des données, dédié à la connexion des équipements connectés. Il convient donc de privilégier une infrastructure informatique dédiée au bâtiment, comme il existe une infrastructure pour chaque fluide du bâtiment : l’eau, le gaz, l’électricité et maintenant internet. Celle-ci est réservée aux professionnels du bâtiment, comme les mainteneurs ou les syndics, et elle est basée sur un protocole standard et universel de données, l’IP (Internet Protocol), via un réseau WiFi, un câble Ethernet ou encore la fibre. Le choix basé sur les contraintes techniques et budgétaires du projet reste très libre. Grâce au déploiement d’une architecture réseau “smart”, on assure ainsi une circulation optimale des données tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du bâtiment.
Étape N°3 – Raccorder le bâtiment et les logements au réseau numérique intelligent
F-X J. – Pour relier le réseau numérique intelligent – appelé “réseau Smart” précédemment conçu à ce qui l’entoure et plus largement au reste du monde, le bâtiment de logements sera raccordé à Internet en haut débit, dont l’accès est disponible en pied d’immeuble selon la démarche R2S. Le maître d’ouvrage devra donc souscrire à un abonnement adapté. Cette étape est incontournable, car sans réseau IP ni abonnement Internet, vous ne disposerez pas d’un smart building au service de ses occupants. Grâce au raccordement au réseau numérique intelligent, on assure ainsi une connectivité performante du bâtiment et des logements via un raccordement optimal aux réseaux de communication.
Étape N°4 – Interfacer les équipements du bâtiment et les logements avec le réseau intelligent
F-X J. – L’étape suivante consiste à raccorder au réseau Smart les différents équipements, comme, par exemple, la chaufferie au sous-sol de l’immeuble pour surveiller son fonctionnement et ses consommations. Si l’on reste sur cet exemple, il faudra donc choisir une chaudière connectée pour qu’elle communique nativement avec le réseau numérique, ou lui ajouter une carte de communication. Et ce sera la même logique avec tous les équipements des logements, comme les détecteurs de fumée pour alerter le gardien, les dispositifs de contrôle d’accès, la visiophonie, les volets roulants, les capteurs de consommation d’énergie, les capteurs d’ouverture de porte, etc… Ils doivent tous être connectés et communicants.
S’il y a plusieurs équipements en parties communes, il est intéressant d’ajouter des réseaux intermédiaires. Par exemple, un réseau intermédiaire via le protocole de communication LoRa pourra remonter les données de consommation d’énergie de différentes vannes de chauffage vers un concentrateur LoRa sur le réseau Smart.
Si les équipements sont vraiment nombreux dans les logements, il peut être astucieux d’ajouter une passerelle domotique sans fil, de type Enocean ou Zigbee, qui sera connectée au réseau Smart. Cela permet de connecter tous les appartements au réseau et permet de déployer les différents services à l’ensemble des occupants, y compris ceux qui n’ont pas d’abonnement Internet.
Ajoutons que chaque équipement doit être doté d’APIs (Application Programming Interfaces) ouvertes et documentées, c’est-à-dire qu’elles sont exploitables par toutes les entreprises parties prenantes du projet. Grâce aux raccordements des équipements et interfaces du bâtiment et des logements au réseau numérique intelligent, on assure ainsi la mise en relation de tous les équipements et les services.
Étape N°5 – Sécuriser les accès, données et services transitant par le réseau Smart
F-X J. – En matière de sécurisation, des solutions existent, faciles à mettre en place, efficaces et peu coûteuses. Deux dimensions sont à prendre en compte. La sécurité informatique d’abord, classique, qui sera mise en place et surveillée par un technicien spécialisé. Il garantira par exemple qu’un résident ne peut pas se connecter aux équipements de ses voisins ou qu’un passant dans la rue ne peut récupérer les données de l’immeuble.
La sécurité des données ensuite. Il convient de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour se conformer au règlement général sur la protection des données RGPD, ce qui est obligatoire. Ainsi, si l’on fait remonter les données de consommation d’énergie au syndic, les règles exigent de pouvoir agréger ces données, les anonymiser, voire de les pseudonymiser (NDLR : pour aller plus loin sur le sujet, découvrez notre guide pratique “Le traitement juridique des données d’usage du bâtiment”).
Grâce au chapitre dédié à la sécurité numérique du cadre de référence R2S, on sécurise ainsi les systèmes et les interfaces, et on met en place un dispositif permettant la protection des données à caractère personnel.
Étape N°6 – Mettre en place les processus pour garantir une gouvernance du projet optimale
F-X J. – Il s’agit ici d’élaborer une méthodologie rigoureuse pour que toutes les parties prenantes s’engagent dans les meilleures conditions dans le projet. Nous conseillons dans cette perspective de faire appel à un assistant à maîtrise d’ouvrage spécialisé, l’AMO Smart. Il aura notamment la mission d’accompagner le bureau d’études du projet dans la rédaction du cahier des charges du lot technique de la partie Smart Building. C’est un nouveau lot transversal, à part, qui permet de faciliter la cohérence de tout ce qui est lié au numérique dans le bâtiment. L’objectif est d’impliquer dans le projet Smart le bailleur, le syndic, le représentant de la copropriété, et le futur exploitant, car ce sont eux qui vont faire vivre les services dans le bâtiment, mais aussi de choisir des entreprises compétentes en Smart Building, notamment un intégrateur spécialisé pour le déploiement ainsi qu’un opérateur local des services numériques, qui va devoir garantir que le réseau smart est sécurisé, que les services évoluent selon les besoins et que tout fonctionne correctement au fil du temps. En structurant un management responsable du projet bâtimentaire, le cadre de référence R2S permet ainsi d’optimiser la gestion de projet et le commissionnement, de mettre en place un cadre de contractualisation dédié et d’inciter à s’entourer des bonnes expertises et acteurs compétents.
Étape N°7 – Définir les modèles juridiques et économiques du projet numérique
F-X J. – Les dimensions juridiques et économiques du projet doivent être définies en amont et apparaître dans la notice de vente du logement, dans la charte locataire du bailleur ou encore dans le règlement intérieur du bâtiment, notamment sur tout ce qui concerne la protection des données ou la transparence sur la gouvernance. Il est nécessaire de mettre en place une annexe spécifique au bail, expliquant de manière claire et transparente le dispositif, ainsi que les dispositions prises en matière de gestion des données personnelles. Ces documents protègent juridiquement toutes les parties prenantes et définissent les responsabilités sur les équipements connectés et les données générées.
Au niveau économique, il convient d’établir si les services seront gratuits ou payants, s’ils sont optionnels ou obligatoires, s’ils sont inclus ou non dans les charges de l’immeuble. C’est un nouveau modèle à définir, le plus tôt possible pour que chaque partie prenante se l’approprie et que les occupants puissent bénéficier de façon pérenne des services dont ils ont besoin, en matière d’économie d’énergie, de sécurité, de maintien à domicile, de mobilité et de facilitation du quotidien.
R2S Résidentiel : une démarche valorisable en rénovation
Le cadre R2S Résidentiel a été conçu pour intégrer le numérique dans les bâtiments de logements, à toutes les phases du projet, en conception, construction, exploitation.
Et pour que cette intégration du numérique soit aussi envisageable lors de rénovations, on préconise de la prévoir en fonction de services souhaités dans l’avenir et de pré-disposer des gaines techniques a minima.
Si ce n’est pas fait, pas d’inquiétude car la démarche R2S peut être appliquée en limitant les investissements même dans les résidences non équipées de colonnes montantes ou de chemins de câble. Nul besoin d’engager de lourds travaux de rénovation pour créer des gaines. Il suffit d’utiliser un réseau sans fil, ou même simplement quelques capteurs radio dans une approche raisonnée du numérique.
Évidemment certains maîtres d’ouvrage ont des attentes plus ambitieuses en termes de services. Pour ceux-là, le R2S est une démarche qui leur permet de rendre leur bâtiment connecté, communicant, sécurisé et prêt pour le service, mais aussi de vérifier que leur bâtiment tient ses promesses de satisfaction. Cela peut être effectué par auto évaluation, en contrôlant que ce qui est mis en place correspond bien aux exigences du cahier des charges. Pour aller plus loin, les maîtres d’ouvrage peuvent lancer une enquête de satisfaction auprès des occupants après leur entrée dans le logement (NDLR : voir notre théma “La place de l’usager dans la création de valeur du bâtiment”). Mieux encore : ils peuvent s’adresser à un certificateur qui va garantir que les services initialement prévus sont bien fonctionnels. Dans ces conditions, ils pourront obtenir le label R2S, gage d’un bâtiment connecté, communicant et pérenne dans le temps.