L’évolution du travail – Episode 6
La crise sanitaire que nous venons de traverser a mis sur le devant de la scène le télétravail. Si des entreprises ont été contraintes et forcées de transférer leur activité au domicile de leurs salariés durant les 3 mois de confinement, certaines autres étaient déjà bien préparées à l’évolution du travail, ayant depuis très longtemps intégré dans leur fonctionnement à distance. C’est le cas de Schneider Electric, membre de la SBA. Dominique Laurent, DRH de Schneider Electric France, se confie sur les atouts des pratiques nomades, avec Christelle Aroule, Directrice de la Stratégie Buildings & Channels.
Depuis quand Schneider Electric a-t-il évolué vers les nouveaux modes de travail ?
Dominique Laurent – Schneider Electric est un groupe européen aux origines françaises et dont l’empreinte est réellement mondiale. Nos collaborateurs sont aujourd’hui présents pour un tiers en Europe et au Moyen-Orient, un autre tiers en Amérique du Nord et un dernier tiers en Asie. Depuis 2011, notre top management est également réparti sur trois hubs managériaux à travers le monde, à Hong Kong, Paris et Boston, pour accompagner la croissance du Groupe au plus près du terrain et des clients.
Pour adapter nos activités à cette organisation multi locale, nous avons investi dans des outils de communication numérique appropriés et, dès 2013, nous avons décidé d’accorder une grande latitude au télétravail. Pour institutionnaliser cet usage nomade chez Schneider Electric, nous avons signé en 2018 un accord de groupe en France. Notre organisation est particulière. Puisque nos collaborateurs risquent d’échanger dans la même journée avec des interlocuteurs à Shanghai puis à New-York, l’amplitude horaire peut s’avérer très large. Mais personne ne peut travailler en continu sur 15 h. Nos collaborateurs peuvent donc bénéficier de plages de temps disponibles pour s’occuper de leurs enfants ou pour d’autres activités en journée. Avant la crise, 4 000 collaborateurs pratiquaient déjà le télétravail régulièrement en France. À la date du confinement, 9 000 salariés ont été instantanément en capacité de poursuivre leur activité à domicile. Cela, sans difficulté, même pour nos équipes du service paie, contrairement à ce que l’on aurait pu imaginer. Elles ont géré et édité les bulletins de paie depuis leur domicile, sans problème technique majeur parce qu’elles avaient déjà acquis une grande maturité sur les mécanismes de travail à distance.
Christelle Aroule – Contrairement à d’autres entreprises en effet, nous n’avons pas eu besoin d’un temps d’adaptation au confinement. Nous avons été très rapidement opérationnels et en très peu de temps toutes nos équipes se sont mises en ordre de marche, en particulier nos fonctions support pour assurer une expérience adaptée à nos clients. Il y a eu plus de 50 millions de visio-réunions internes organisées rien que pour le mois de mars. Beaucoup de nos collaborateurs sont déjà habitués à travailler en visio-conférence car, du fait de la structure du groupe équitablement présent sur trois continents, plusieurs de nos équipes sont dispersées à travers ces différentes zones afin de servir au mieux nos marchés : ceci a permis de construire des habitudes de travail agiles, flexibles et collaboratives grâce au digital, tout en restant physiquement au plus près de nos clients.
Qu’est-ce que les nouveaux modes de travail changent dans l’entreprise ?
Dominique Laurent – Une entreprise fonctionne bien quand on travaille bien ensemble. Il ne s’agit pas d’envisager uniquement la problématique du télétravail, qui ne peut pas être le mode de collaboration unique pour tous les salariés et l’entreprise, mais d’imaginer des solutions de travail plus variées. Dans la période actuelle, il faut savoir réenchanter les sièges sociaux. Pour reprendre l’expression d’un DRH d’une entreprise du CAC 40, les collaborateurs étaient entrés ces derniers mois en (cocon)finement et il faut les aider à en sortir. Cela peut s’avérer compliqué pour certains. Or le télétravail seul est « hyper-épuisant » pour les salariés. On ne peut pas être en permanence dans un monomode de travail. L’amplitude de concentration est nécessairement plus longue et on enchaîne sans pouvoir souffler. Inversement, dans les bureaux, nous pouvons profiter de moments pour recharger nos batteries loin des écrans en réunions, avec des clients, en mode projet avec notre équipe ou lors d’échanges informels avec nos collègues.
Nous avons lancé un groupe de travail à l’échelle mondiale chez Schneider Electric, sur les New Ways Of Working, il y a quelque temps déjà. Nous nous sommes interrogés sur la manière d’aménager les locaux, sur façon d’utiliser les outils numériques et sur le bien-être au travail. En tant que DRH, je participe à la réflexion et les choix d’entreprise sont réalisés en perpétuelle discussion avec la Direction des Ressources Humaines. C’est important pour un groupe comme Schneider Electric car nous sommes impliqués sur l’intelligence du bâtiment. Personnellement, je crois beaucoup au Flexoffice, qui permet d’être dans un mode de travail collaboratif, avec des espaces dédiés aux brainstormings, des bureaux qui laissent de la place à la verdure, des capacités d’hébergement… On peut tout imaginer. Je crois aussi à la montée en puissance du coworking, pour créer plus de proximité avec ses collaborateurs.
Christelle Aroule – L’organisation du travail va tendre vers un mix entre distanciel et présentiel. C’est en tout cas déjà le mode de fonctionnement de plusieurs de nos collaborateurs, grâce aux dispositifs évoqués par Dominique. Dans un souci de productivité professionnelle et personnelle, il faut pouvoir amorcer une réflexion sur la pertinence de chacune des méthodes de travail en fonction du type de travail attendu. Dans cette perspective, Schneider Electric a réaménagé deux étages au HIVE à Rueil-Malmaison : le sixième étage est réservé aux équipes œuvrant dans des fonctions transverses globales et le second aux forces commerciales d’Ile-de-France, pour galvaniser les synergies internes et gagner en efficacité. Nous avons mis à la disposition du bâtiment et de ces équipes les bénéfices de l’ensemble de notre technologie EcoStruxure, pour permettre au mieux l’optimisation des espaces de travail, la gestion des taux des occupations en temps réel, une maintenance prédictive et des services digitaux adaptés au parcours du collaborateur.
Précisément, quelles sont les technologies et les aménagements qui facilitent le mix des modes de travail dans l’entreprise ?
Christelle Aroule – Nos collaborateurs du HIVE ont déjà accès à une application mobile dédiée pour leur faciliter la vie au bureau avec toutes sortes de services, comme réserver une salle de réunion, connaître le menu du restaurant d’entreprise, commander une prestation de conciergerie ou signaler un ascenseur en panne. Cette application mobile, déjà installée chez plusieurs de nos clients, pourrait désormais offrir de nouvelles possibilités en ce temps de reprise : savoir si le parking est complet et décider, s’il n’y a plus de place, de télétravailler ou d’aller à un parking de délestage, calculer en temps réel le taux d’occupation des locaux, à l’aide de capteurs anonymes dans les badges de chaque visiteur. Cela permet non seulement d’opérer un réaménagement dynamique des espaces, mais aussi de constater si le taux d’occupation est compatible avec les exigences actuelles de distanciation physique. Nous bénéficions évidemment aussi d’outils de partage à distance, comme Microsoft Teams, pour les visioconférences et le travail collaboratif, et Box, pour le stockage et les échanges de documents. Nous disposons également d’une plateforme CRM de gestion des relations clients avec un accès à distance via l’ordinateur, la tablette ou le smartphone pour les commerciaux. La technologie accompagne le collaborateur dans son nouveau parcours hybride, entre télétravail et bureau réaménagé, lui permet de gagner du temps, grâce aux nouveaux services, et l’aide à se protéger tout en respectant les nouvelles exigences sanitaires.
Dominique Laurent – Notre objectif est d’améliorer l’expérience du collaborateur au travail, pour une meilleure qualité de vie au bureau et plus d’attractivité de l’entreprise. Pour cela, les espaces sont ouverts et flexibles, décloisonnés et variés, pour être en mesure de juxtaposer différents aménagements selon les activités : des tables et des chaises hautes en bois pour checker ses mails, des canapés feutrés dans des petites salles pour des réunions informelles, des phone-box qui respectent la confidentialité… Tout est envisageable et à envisager. C’est un sujet que nous abordons avec les autres DRH des grandes entreprises, et pour lequel le débat peut être lancé à la SBA. La vision de ses membres pourra enrichir notre réflexion sur le bâtiment de demain.