Un bâtiment devient un Smart Building à la condition d’intégrer un système d’exploitation (autrement dit un Building Operating System ou BOS) performant, nécessaire pour bien gérer les données de ce bâtiment. Comme on n’imagine plus d’ordinateur ou de smartphone sans son OS, le Smart Building devrait systématiquement avoir son BOS désormais. L’évolution est en marche puisque des premiers immeubles équipés de systèmes d’exploitation sortent de terre aujourd’hui. Témoignages d’Emmanuel Olivier, Président d’Ubiant, et de Jérémie Bellec, Président de SpinalCom, très impliqués dans les Commissions R2S et BIS de la SBA.    

 

En quelques mots, quelles sont les caractéristiques d’un BOS ?

Emmanuel Olivier | Le BOS est au cœur du Smart Building. Il constitue la fondation de son système d’information. C’est ni plus ni moins une plateforme de gestion des données, au-dessus de laquelle on trouvera toute une série d’applications pour apporter des services adaptés aux exploitants (pour la maintenance, le management des espaces, la sécurisation…) et aux occupants (pour la géolocalisation indoor, la réservation de salles de réunion, la fréquentation du restaurant d’entreprise, la conciergerie…). Le BOS va donc récupérer les données, en extraire du sens, les qualifier, les nettoyer et les traiter pour mieux piloter le bâtiment. Comme Android de Google ou iOS d’Apple permettent de se connecter à n’importe quelle imprimante pour sortir un document Word, PDF ou autre, à partir d’un smartphone, un BOS va permettre de se connecter à tout type d’équipements pour gérer l’énergie, la qualité de l’air intérieur ou encore la luminosité d’un Smart Building. Avec un système d’exploitation, plus besoin de reconfigurer les équipements à chaque fois que l’on ajoute une nouvelle application. Le BOS garantit l’interopérabilité des systèmes et l’évolutivité des services. La différence avec les OS des ordinateurs, c’est que le BOS intègre la spatialisation, c’est-à-dire la prise en compte de la position des équipements dans les bâtiments. Il permet de bénéficier d’un référentiel commun en termes de nommage et de hiérarchie des fonctionnalités du bâtiment. Avec un seul point d’entrée, il mutualise les moyens matériels et les droits d’accès aux applications, ce qui est essentiel en matière de sécurité et de traçabilité. Si, par exemple, un ascenseur tombe en panne, on sait à distance identifier et positionner le matériel en défaut. Le BOS permet donc d’améliorer la maintenance, d’anticiper les pannes, de faire fonctionner ensemble et en harmonie les différentes fonctionnalités du Smart Building… Bref, de faire des économies.

Quelles sont les actions de la SBA sur la généralisation du BOS dans le bâtiment ?

Jérémie Bellec | La SBA a déjà franchi un pas énorme en définissant le référentiel R2S, qui apporte un cadre à la numérisation du bâtiment. Maintenant, nous voulons aller plus loin dans la précision, en nous intéressant aux données et au système d’information unifié du bâtiment (le Building Information System ou BIS) – constitué par une couche d’équipements, surmontée par le BOS puis par la couche d’applications, décrits par Emmanuel Olivier dans la question précédente.  Notre objectif est de créer du lien entre ces lots d’applications pour qu’ils fonctionnent ensemble et en cohérence. Dans cette perspective, nous nous sommes donnés plusieurs missions. La première est de déterminer et de lister tous les éléments de valeur ajoutée et les bénéfices du Building Information System, afin d’inciter les décideurs du bâtiment d’investir dans ce système. Notre seconde mission est d’organiser l’écosystème autour du BIS, pour connaître les acteurs sur lesquels s’appuyer et savoir comment s’y prendre pour mettre en place un tel système. Enfin, nous nous intéressons à la gouvernance des données, c’est-à-dire au BOS. Plus précisément, nous voulons définir les fondamentaux du BOS en termes d’indexation (le nommage des objets connectés), de sémantique (les attributs de description des éléments du bâtiment, comme les pièces, les étages…) et d’ontologie (les relations entre les objets), pour que toute la filière utilise le même vocabulaire et partage un langage commun adapté aux problématiques IT de gestion de données. Le problème aujourd’hui est l’arrivée sur le marché d’offres positionnées en tant que BOS et pourtant très différentes, ce qui nuit à l’acceptation du BOS dans la filière. Nous travaillons sur le recensement des fonctionnalités de base que devra obligatoirement apporter un système d’exploitation à son bâtiment, avant d’être qualifié de BOS. Enfin, nous avons planifié la rédaction d’un Thema, pour diffuser auprès de la filière les fondamentaux et les bénéfices d’un BOS d’ici la fin de l’année.

Le BOS est-il toujours en phase d’expérimentation dans les bâtiments ou le déploiement est-il amorcé ?

Emmanuel Olivier | Des premiers gros projets sortent de terre, à l’instar de la première tranche de 23 000 m² du bâtiment Evidence livrée en février dernier à Nexity à Saint-Ouen-sur-Seine (93). Cet immeuble de bureaux d’une superficie de 37 000 m² à terme abrite le siège social d’Artelia. Après avoir équipé plus d’un million de m² de bâtiments résidentiels et d’enseignement, à savoir 15 000 logements et 250 écoles et collèges, le BOS d’Ubiant équipe l’immeuble Evidence, le premier bâtiment tertiaire du marché. Ce système d’exploitation industrialisé et massivement déployable est associé nativement à une technologie full IP PoE[1] d’Energie IP, pour piloter l’ensemble des fonctions de régulation de l’éclairage, de la température et des stores, de fournir une supervision énergétique de tout le bâtiment et de mettre à la disposition des occupants et des visiteurs divers services dans les espaces de travail et de vie de l’immeuble Evidence.

Jérémie Bellec | Le déploiement est bien amorcé. Prenons l’exemple du site tertiaire Archipel d’une superficie de 70 000 m² à Nanterre (92) qui accueillera le siège de Vinci. Le groupe ambitionne d’offrir aux usagers de son siège social un panel de services avancés et évolutifs. Une plateforme BOS permet d’organiser et de structurer les données pour assurer cette possibilité. La particularité de ce projet est que chacun des sept bâtiments du site possède son propre système d’exploitation, pour structurer les données sous forme d’arbre d’informations. À l’échelle du site, les sept BOS sont coordonnés par une plateforme mère. L’avantage portera sur l’évolutivité du siège de Vinci, qui pourra dans le futur être reconditionné bâtiment par bâtiment si nécessaire. L’autre spécificité de cette réalisation tient dans la prise en compte du projet de mise en place du système d’exploitation des bâtiments très en amont dans la phase de conception du site. La réflexion autour du siège de Vinci a été menée de façon très rationnelle, comme on le ferait pour un projet informatique SI important.

[1] L’alimentation électrique par câble Ethernet (Power over Ethernet) permet de faire passer 90 W de puissance en plus des données numériques.

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