La Gendarmerie nationale a compté parmi les contributeurs impliqués dans le groupe de travail de la Commission Safe City de la SBA et dans la rédaction du Thema “Construire un territoire de confiance et de sécurité”. La collaboration étroite entre les divers acteurs de la ville et du territoire est en effet essentielle pour être à l’avant-garde de la lutte contre l’insécurité et contribuer à la confiance et au bien-être des citoyens, comme l’affirme le lieutenant-colonel Rémy Nollet, de la mission numérique de la Direction générale de la Gendarmerie nationale. Interview.
La Safe City et le ″Territoire de confiance″ représentent-ils la même notion ?
Lieutenant-colonel Rémy Nollet – Le terme Safe City a été inventé pour faire écho à celui de Smart City. Nous préférons largement évoquer les concepts de ″Territoire de confiance″ et de ″Territoire intelligent″, qui nous semblent plus justes, moins anxiogènes et surtout moins caricaturaux. Un Territoire est dit intelligent quand on l’a doté de technologies numériques au service de la gestion de la mobilité, de l’énergie, des déchets, etc. Il devient ″de confiance″ à deux conditions. D’abord, à celle d’ajouter une ou plusieurs briques dédiées à la sûreté et à la sécurité, telles que des systèmes de contrôles d’accès, de la vidéoprotection, des capteurs sonores, etc. Cela ne signifie pas en revanche que l’on mette à tous les coins de rue des caméras équipées de reconnaissance faciale, symbole pour beaucoup de surveillance généralisée et d’atteinte aux libertés. En second lieu, à condition d’intégrer justement la confiance numérique : l’objectif est bien d’améliorer la sécurité publique dans un cadre strict et vertueux de protection des données personnelles et de sécurité des systèmes d’information, dans le respect des différentes réglementations. Tout est très lié.
Quelle était l’attente de la Gendarmerie nationale en participant aux échanges de la commission Safe City ?
Lieutenant-colonel Rémy Nollet – Toute approche de sécurité des territoires s’appuie sur les services de l’État qui ont des responsabilités et des prérogatives en la matière, à l’instar de la Gendarmerie nationale. Dans ce cadre, nous avons l’habitude de travailler avec les élus, la filière industrielle et avec d’autres parties prenantes des territoires intelligents. Au sein de la commission, nous avions à cœur de faire passer le message aux collectivités qu’il n’y aura pas de territoire intelligent, sans prendre en compte les notions de confiance et de sécurité. Ce n’est pas aussi évident que l’on pourrait le croire. Tout est en effet encore très siloté : la sécurité est gérée par la commune, alors que la construction numérique du territoire est souvent pilotée par l’intercommunalité, le Département ou la Région. Il convient donc de décloisonner les missions publiques, pour mutualiser les investissements comme les bénéfices. Prenons un exemple. Si une Communauté de Communes élabore un plan de mobilité ambitieux, axé sur l’écologie, les économies et la mise en commun de véhicules, mais que l’aire de voiturage n’est ni éclairée ni sécurisée par la ville, les usagers n’en voudront pas et le plan mis en place ne fonctionnera pas malgré toutes les bonnes volontés, au risque de dépenser inutilement de l’énergie et de l’argent public. Mieux vaut miser sur l’intelligence collective des territoires et adopter pour les projets une démarche plus collaborative. Ainsi, si une agglomération identifie une zone à faible émission où les véhicules diesel n’ont pas le droit de circuler, elle équipera l’espace de capteurs pour verbaliser les contrevenants. Le même jeu de capteurs pourra aisément servir aussi à la lutte contre la délinquance, dans un objectif d’efficacité et d’économie pour le contribuable. Inversement, les initiatives de sécurité peuvent servir à d’autres dimensions : typiquement, une caméra de vidéoprotection peut aussi servir à piloter les flux de transport ou à compter les véhicules, grâce un logiciel d’analyse vidéo. C’est plus économique que d’installer une deuxième caméra sur le même carrefour !
Plus globalement, qu’est-ce que les technologies numériques du territoire peuvent apporter à sa sécurité ?
Lieutenant-colonel Rémy Nollet – Les fonctionnalités smart d’un territoire peuvent effectivement nous permettre d’être plus réactifs et efficaces. C’est particulièrement vrai dans le cadre du continuum de sécurité entre l’État, les collectivités (polices municipales) et les opérateurs privés (sécurité privée). Le principe ? Interconnecter différentes sources de données – je parle évidemment ici de données anonymes – pour organiser une coopération nouvelle entre services publics, police municipale, gendarmerie, société de sécurité, jusqu’au citoyen, afin de mieux protéger et sécuriser les habitants et le territoire. De cette manière, une patrouille intervenant dans un tramway pour régler des incivilités pourrait être accompagnée dans sa mission avec des données précises sur les flux de voyageurs fournies par la compagnie de transport. Ou dans le cadre d’un événement sportif comme le Tour de France par exemple, les données en temps réel de circulation des personnes permettraient de prendre des décisions rapidement pour couper un axe ou libérer de l’espace, évitant ainsi la saturation d’une zone par des spectateurs trop nombreux et un accident. Aujourd’hui un tel dispositif n’existe pas. Seul le déport d’images est à l’œuvre, c’est-à-dire l’envoi d’images de vidéosurveillance de la collectivité aux services de la Gendarmerie nationale.
Dans le territoire intelligent de demain, les partages d’informations entre les acteurs de la sécurité seront beaucoup plus performants, pour faire remonter instantanément l’état du trafic routier, les évolutions de la météo ou encore toute situation perturbant l’ordre public. Les technologies numériques (capteurs, caméras connectées, analyse via l’Intelligence Artificielle) vont pouvoir matérialiser de nouveaux échanges de données de toutes natures, pas uniquement les informations de sécurité, dans la perspective d’une sécurisation plus participative sur le territoire, avec la possibilité d’interventions conjointes de différentes forces de sécurité (gendarmes, pompiers, sécurité civile). Dans cette perspective, le déploiement du très haut débit sur tout le pays va nous aider à mieux sécuriser les territoires, car il existe encore de fortes disparités en France en matière d’équipement numérique.
Le rôle du secteur privé ne doit pas être négligé : une expérimentation de continuum des données est en cours avec un opérateur cartographique, qui permet de transmettre en temps réel des informations de la Gendarmerie nationale à des automobilistes sur leur système de GPS. Ce que l’on fait dans ce cadre avec cet opérateur pourrait très bien fonctionner avec des collectivités. Ce sera l’étape de demain. Voilà pourquoi la Gendarmerie nationale doit continuer à travailler avec des organismes comme la SBA pour encore mieux connecter les territoires. Nous poursuivons d’ailleurs notre collaboration, en apportant notre contribution et notre expérience à la commission Safe Building de la SBA. À suivre…
Un guide pour construire un territoire de confiance et de sécurité
Difficile aujourd’hui de dissocier la Smart City de la Safe City. Comment imaginer une ville intelligente qui ne soit pas sûre ? Pour les collectivités, la question est donc posée : comment construire un territoire de confiance et de sécurité ? La SBA a publié un Thema très complet sur le sujet pour apporter quelques éléments de réponse, avec la contribution active de la Gendarmerie nationale, notamment sur les enjeux et les attentes, les principaux acteurs et l’approche par les risques. À lire et consulter ici.
Photo d’illustration en homepage et portrait ci-dessus © Gendarmerie Nationale
Merci pour cet article intéressant.
Anitec fière d avoir contribué à l élaboration de ce guide