Trop longtemps, la smart city a été réduite à sa dimension techno-centrée, ce qui a freiné son adoption par les habitants et son essor. Pour Jean-Pierre Corniou, Partner de Sia Partners et Président “Enjeu Industrie et Services” pour Systematic Paris Région Ile-de-France, son potentiel se révélera à la condition de créer une interaction profonde entre le citoyen et son environnement urbain. On entrera ainsi dans une véritable révolution urbaine.
« L’informatisation de la société a commencé à la fin de la seconde guerre mondiale, souligne Jean-Pierre Corniou. L’inventivité des techniciens de l’époque a effectivement permis de concevoir le tout premier véritable ordinateur, pour décoder les messages de l’ennemi. Il a ainsi contribué à la réussite du débarquement en France. »
Une rupture sociotechnique
L’informatique est alors restée confidentielle, jusqu’à ce que le numérique sorte des murs de l’entreprise, que le citoyen devienne utilisateur (2.0), que la machine interprète les données (3.0) et que l’on soit tous immergés dans l’internet des objets (4.0). Le numérique concerne désormais tous les rangs de la société, grâce au déploiement des smartphones. « On a ainsi doté des milliards d’humains sur terre d’outils, susceptibles d’amplifier leur expérience au sein de la société et d’exploiter le potentiel de la ville, explique Jean-Pierre Corniou. C’est une véritable rupture à la convergence de la technique et de la société, qui touche tout le monde et permet à chacun d’utiliser des informations en temps réel, pour prendre les meilleures décisions en fonction du contexte. »
La smart city opérationnelle
En d’autres termes, la 3è révolution urbaine donne les moyens et apporte tous les outils pour rendre la smart city réellement opérationnelle. « Cette amplification urbaine exige une face cachée, qui consiste à doter les immeubles, les infrastructures, le mobilier urbain et les objets mobiles de capteurs et d’autres objets connectés, pour prendre en compte différents phénomènes dans la ville, comme la météo ou le trafic, révèle Jean-Pierre Corniou. Ainsi, avec ce suivi, les données peuvent influencer les actions des usagers. Les comportements individuels évoluent au gré des data transmises par l’instrumentation numérique. Prenons l’exemple de la mobilité. On peut facilement se déplacer, lorsque l’on sait où trouver des trottinettes ou des vélos, grâce à la géolocalisation, et que l’on peut louer avec un système de paiement à distance. Mais on peut aussi utiliser les transports en commun dans une ville inconnue sans appréhension. Le numérique est incontournable. » La smart city devient ainsi un territoire, où les humains interagissent avec les infrastructures de la ville, pour leur permettre de vivre une expérience urbaine enrichissante. On sort ainsi de la vision technologique de la smart city, pour une vision plus sociotechnique.
La mobilité : la connaissance des flux change la donne
Jean-Pierre Corniou, en tant qu’ancien DSI dans le groupe Renault notamment, s’est penché tout particulièrement sur les problématiques de la mobilité (Cf. la plénière de SBT Summit ″Mobilité : des solutions raisonnables pour un monde en mouvement″). C’est le premier domaine où la connaissance exhaustive des flux permet de changer la donne : « L’utilisation massive des capteurs et de l’information par les citoyens permet d’optimiser les itinéraires et donc de réduire les consommations de carburant. Elle permet aussi d’apporter des services de partage comme BlaBlaCar. Il faut donc bien comprendre que la géolocalisation des véhicules et des personnes dans les systèmes urbains va nous acheminer vers une transformation profonde de la mobilité. »
Une connaissance rationnelle et une mobilisation générale
Plus largement, Jean-Pierre Corniou travaille dans le cadre du Pôle de compétitivité Systematic Paris Région Ile-de-France, pour identifier les bénéfices et les risques des transformations dans les villes. « Il convient en effet d’être parfaitement lucide vis-à-vis des enjeux de cette 3è révolution urbaine, en se fondant sur les données à notre disposition, conclut-il. Cela ne se fera pas sans une mobilisation générale, sur la base de connaissances rationnelles, pour prendre les bonnes décisions, sur la structuration des villes et l’évolution des territoires. »