LA RÉNOVATION NUMÉRIQUE – EPISODE 11
Pour Patrice Rismondo, Directeur général de la filiale du groupe Bouygues Construction Wizom, un logement sans aménagement numérique et sans tableau de bord, c’est comme une voiture sans compteur de vitesse : on ne peut pas passer à l’écoconduite. Aujourd’hui, le numérique est indispensable pour économiser l’énergie, dans les nouveaux bâtiments, mais aussi dans ceux qui doivent être rénovés, et pour bien d’autres usages. Explications.
Pour répondre aux enjeux climatiques, sanitaires et économiques actuels, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la consommation d’énergie est essentielle. Or le secteur du bâtiment est à la fois le premier émetteur de gaz à effet de serre (25 %) et le plus gros consommateur d’énergie (43 %) en France. En toute logique, la rénovation énergétique du bâtiment devrait améliorer la situation et les initiatives de l’État (MaPrimeRenov’, EcoPTZ, CEE…) qui l’encouragent sont positives.
Des aides à l’éco-rénovation complexes ?
« On trouve en effet des aides intéressantes avec les Certificats d’Économie d’Énergie, concède Patrice Rismondo, mais il est parfois compliqué de répondre à toutes les exigences du dispositif. Une vraie affaire de spécialiste ! » Patrice Rismondo regrette par ailleurs que certaines subventions orientent la rénovation dans le sens de travaux passifs, à l’instar de l’isolation à 1 €. « Là encore, la question est complexe dans l’habitat collectif, déplore-t-il. L’isolation sans régulation conduit à ouvrir les fenêtres des appartements sur-isolés et surchauffés. Avec les calories, les économies d’énergie partent ainsi par les fenêtres. »
Tellement d’économies avec la régulation !
La régulation justement, parlons-en. Patrice Rismondo l’affirme : « il est possible de réduire ses consommations énergétiques à moindre frais, en installant une régulation – un thermostat connecté par exemple. Nous avons réalisé une étude sur une quinzaine de logements et constaté jusqu’à 30 % d’économie d’énergie. » Sachant que le coût d’un thermostat est modéré, la rentabilité se compte en quelques mois seulement, entre 6 et 18 en fonction du type d’énergie régulé. Mieux : le gouvernement propose une prime pour l’achat d’un thermostat programmable, qui permet d’avoir un retour sur investissement plus rapide encore, « à condition, une nouvelle fois, que l’attribution ne soit pas trop complexe, complète Patrice Rismondo. Franchement, il serait logique que tous les logements soient équipés de régulation, pour faire rapidement des économies, surtout lorsqu’une rénovation lourde n’est pas prévue à court terme. »
Beaucoup plus que des économies d’énergie
Et ce n’est pas tout. Au-delà de la simple régulation, l’aménagement numérique et les objets connectés multiplient les avantages. Ils permettent d’offrir plus de confort et de bien-être aux occupants. Ils apportent plus de sérénité et de sécurité aux personnes âgées, pour les aider à rester à domicile dans un environnement bienveillant. Ils évitent les incidents. « En tant qu’acteur de la construction durable, je conseille d’équiper les immeubles de logements avec des capteurs, indique Patrice Rismondo, qui permettent par exemple de prévenir les fuites d’eau, qui représentent la principale source de sinistres dans les bâtiments sociaux, ou de contrôler la qualité d’air intérieur, pour éviter l’apparition de moisissures sur les murs notamment. »
L’opportunité d’adapter son habitat à chaque âge de la vie
C’est d’autant plus intéressant que les travaux à engager sont minimes, si l’on choisit un système sans pile et sans fil. « Le numérique est une chance, poursuit Patrice Rismondo. Il accompagne l’évolution du logement et de ses usages au fil de la vie. Il lui apporte de la flexibilité. Quand vous avez besoin d’un espace pour du télétravail, votre habitat s’adapte. Quand le petit dernier part de la maison pour ses études, la famille peut conserver son grand appartement, mais la chambre de l’étudiant peut être utilisée en tant que logement de courtoisie… »
Des organismes associent rénovation énergétique et numérique
Aujourd’hui, les entreprises, les associations et les projets qui couplent un aménagement numérique avec des travaux de rénovation sont de plus en plus nombreux. L’entité la plus connue est sans doute EnergySprong (qui signifie “saut énergétique” en hollandais), qui déploie une démarche globale de rénovation énergétique et favorise un équilibre économique sans subvention. Elle est soutenue par la Commission européenne et supervisée par l’ADEME. Le projet Smart EcoRéno constitue aussi un exemple intéressant. L’objectif de cette expérimentation menée avec cinq organismes HLM est d’intégrer une architecture numérique dans le cadre de la rénovation thermique d’un bâtiment. « Nous avons travaillé avec l’association Handitoit à Marseille, qui recherche des solutions pratiques pour répondre aux besoins de logement des personnes handicapées, conclut Patrice Rismondo, ou avec le GIHP à Paris pour équiper des Unités de Logements et Service (ULS), des solutions d’habitats pour des personnes handicapées dépendantes. Dans ces deux cas, tout est prévu pour que les occupants, même tétraplégiques, puissent vivre en toute autonomie grâce au numérique. C’est une avancée exceptionnelle ! »