Cet hiver, le Haut Comité pour un Numérique Éco-responsable rendra sa feuille de route pour placer la France sur le chemin de la sobriété numérique. En attendant la publication de ses conclusions, revenons sur l’implication et les propositions de la Smart Buildings Alliance au sein de ce débat crucial.
Généraliser la sobriété numérique. Rendre les équipements plus durables. Parvenir à des infrastructures efficaces raisonnées. Ancrer le verdissement dans les territoires. Voici les quatre axes de travail fixés par le gouvernement au “Haut comité pour un numérique écoresponsable” lors de son lancement, le 14 novembre 2022. Sa mission ? Proposer une “feuille de route de décarbonation” de la filière numérique conçue par et pour les acteurs français du secteur. Issue de la loi climat et résilience, cette initiative doit permettre de compléter le plan France Nation Verte de janvier 2023 sur un enjeu environnemental majeur. Déjà évalué à 16,9 millions de tonnes équivalent CO² par an, l’empreinte carbone du numérique tricolore, risque en effet, selon les prévisions, de grandir de 60 % d’ici à 2040 (Source : ADEME et Arcep). Pour éviter un tel scénario, la filière doit notamment réduire l’impact des terminaux (75 % du total), des datacenters (16 %) et des réseaux (5 %). « Au regard du dynamisme des consommations électriques de leur secteur, les acteurs du numérique ont une responsabilité majeure à se saisir pleinement de l’enjeu de sobriété énergétique, expliquait – en avril dernier – Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique. J’attends que tous les acteurs, producteurs d’appareils, datacenter, fournisseurs de service et plateformes, fassent des efforts dans cette direction. En parallèle, nous soutiendrons activement les démarches visant à faire évoluer les usages des consommateurs en faveur de la sobriété numérique. ».
La Smart Buildings Alliance au cœur des débats
Portant la conviction que le smart building peut participer à réconcilier technologies, usages et environnement, la Smart Buildings Alliance s’est naturellement impliquée dans la concertation lancée par ce Haut Comité pour un Numérique Écoresponsable. Et plus particulièrement dans les travaux du Groupe de Travail 5 “Contribution du numérique à la décarbonation des autres secteurs”, dans lequel se trouvaient d’autres acteurs du bâtiment comme Certivea ou la FFB. « Lors des auditions ou des contributions écrites, nous avons insisté sur l’impact positif du numérique pour la décarbonation des bâtiments, témoigne Lidia Zerrouki, déléguée générale de la SBA. Aujourd’hui, l’utilisation du numérique est devenue essentielle pour respecter la réglementation et les normes de performances énergétiques et environnementales. C’est le cas notamment du Décret BACS de 2020 qui impose l’intégration d’un système d’automatisation et de contrôle des bâtiments. Les outils numériques de modélisation, de mesure et d’analyse contribuent à l’efficacité énergétique des bâtiments, mais aussi à l’optimisation de l’aménagement des espaces. Ils permettent d’éviter les erreurs de conception et de mieux gérer les bâtiments. ». Autrement dit : l’usage du BIM et des outils smart building dans les phases de conception, chantier, exploitation, et fin de vie constituent aujourd’hui des exemples incontestables de l’apport effectif du numérique à la décarbonation du secteur.
Prendre le chemin de la mutualisation et de l’interopérabilité
Cet impact positif avéré ne doit pas exempter les acteurs du smart building de faire des efforts pour renforcer leur propre sobriété. L’approche du bâtiment numérique doit inclure une réflexion sur la durabilité, les impacts environnementaux et la gestion efficace des ressources. Parmi les leviers identifiés par la Smart Buildings Alliance : l’intégration de l’intelligence artificielle en remplacement de certains équipements, une gestion raisonnée des données, ou encore l’interconnexion et la réduction du nombre de capteurs. « L’interopérabilité des systèmes dans le bâtiment reste un défi, nécessitant des API ouvertes, des protocoles et des normes internationales. La mutualisation des infrastructures et de capteurs multifonctionnels peut contribuer à réduire leur empreinte carbone. Cela dit, il ne faut pas que cela se fasse au détriment de performance énergétique. En effet, la technologie permet de faire jusqu’à 30 % d’économie d’énergie et de limiter le gaspillage d’infrastructures trop souvent surdimensionnées vis-à-vis de l’usage réel. L’équilibre entre les gains et les pertes de CO² doit être pris en compte dans les calculs liés à la numérisation des bâtiments », prévient Sébastien Meunier, président de la SBA. Cette approche pragmatique ne doit d’ailleurs pas se limiter aux seuls aspects énergétiques, mais intégrer également l’ensemble des impacts des infrastructures smart building sur la vie du bâtiment et de ses usagers (occupation d’espaces, productivité, maintenance…).
Vers un permis de construire numérique obligatoire ?
Un an après son lancement, le Haut Comité pour un Numérique Écoresponsable doit prochainement rendre sa copie. Attendue pour cet automne, sa feuille de route finale n’a pas encore été publiée à l’heure d’écrire ces lignes. Un mauvais signal ? « La dynamique en faveur de la numérisation des bâtiments est quelque peu tempérée par l’attente de décisions concrètes de l’Etat sur ce sujet, observe Sébastien Meunier. Nous espérons que la feuille de route reprendra notamment notre recommandation prioritaire de généraliser le permis de construire numérique. Cette mesure devra inévitablement s’accompagner de dispositifs de formation et d’accompagnement des acteurs de la filière. Dans le cas inverse, elle risque d’être mal reçue et donc être contre productive pour l’apport du numérique à la décarbonation du secteur. ». Plus largement, le contenu de la future feuille de route aura également pour conséquence de confirmer – ou non – le rôle leader de la France en Europe sur le domaine de la numérisation des bâtiments. En juin 2023, une première proposition gouvernementale intégrait bien la notion de smart building. Un signal encourageant, mais qui doit encore être confirmé dans la version finale. « Nous ne sommes clairement pas en retard. Certains de nos voisins découvrent à peine les défis liés à la gestion du numérique dans le bâtiment ! Il existe un véritable savoir-faire français sur ces sujets. Nous devons conserver cette avance », conclut Lidia Zerrouki. En espérant que ce message sera perçu par le Haut comité dans les prochaines semaines.