En 2007, le Grenelle de l’environnement avait lancé un plan ambitieux de rénovation, mais force est de constater que, 12 ans après, la situation stagne. La SBA a donc décidé de prendre le sujet à bras le corps en proposant de combiner transition énergétique et transition numérique pour aborder plus sereinement le futur du bâtiment. Qu’en pensent les acteurs du bâtiment ? Quelques points de vue recueillis dans le cadre de Batimat, le salon professionnel de la construction et du bâtiment.
Pour Philippe Pelletier, Président du Plan Bâtiment Durable : « Nous sommes encore trop peu convaincus que la rénovation va prendre le pas sur la construction. Or, faire du neuf avec du vieux sera clé dans le demi-siècle à venir. J’en suis persuadé ; dans l’objectif de diminuer les dépenses énergétiques, maintenir les personnes âgées à domicile, ou encore réduire les émissions carbone. Mais pour y parvenir, le cap à franchir est encore important. » Pourtant l’enjeu sur notre société est considérable : si le secteur effectuait seulement « 1 à 2,5 % de rénovation supplémentaire, 40 000 emplois pourraient être créés, » a affirmé Guy Lacroix, Président du SERCE[1].
[1] Le SERCE rassemble les entreprises de la transition énergétique et numérique.
Vers un Big Bang de l’efficacité énergétique dans la rénovation des bâtiments
Dans un monde de plus en plus connecté, on ne peut plus rénover comme on le faisait avant, avec des méthodes qui n’ont pas intégré la transformation numérique. « Le bâtiment représente encore aujourd’hui 43 % des consommations d’énergie et 25 % des émissions carbone, constate Sébastien Meunier, Directeur du Développement d’ABB et représentant du Gimélec. Grâce aux nouvelles technologies digitales, le bâtiment ne doit plus être un problème, mais devenir LA solution. » Dans cette perspective, la SBA a imaginé introduire une épine dorsale numérique au bâtiment, lors des travaux de réhabilitation d’un bâtiment.
L’objectif ? Provoquer un Big Bang de l’efficacité énergétique par la rénovation. « Cette architecture digitale unique, fondée sur le cadre de référence R2S, ne coûtera que quelques pourcents d’une rénovation globale, a souligné Christian Rozier, Président d’Urban Practices, tout en améliorant la performance énergétique. » Le gisement d’économies est énorme et le retour sur investissement assez rapide pour envisager d’amortir le financement de l’infrastructure numérique unique en 3 à 7 ans seulement.
C’est d’autant plus important pour les bâtiments sociaux, comme a insisté Yves Laffoucrière, Président du Plan BIM 2022 et ancien Directeur général de l’Immobilière 3F : « Dans les HLM, dont le loyer moyen s’élève à 400 euros, il convient de faire d’immenses efforts sur l’efficacité énergétique. Il faut pour cela sortir des approches traditionnelles, et s’orienter vers une démarche plus collaborative. Dans cette perspective, le numérique est facteur d’accélération. »
De nombreux autres services numériques pour les bâtiments
Les bénéfices pour le bâtiment ne s’arrêteront pas à la gestion de l’énergie. À partir de l’épine dorsale numérique, rien de plus facile que d’ajouter une plateforme de services à un coût marginal, selon la SBA. « Aujourd’hui, on consomme l’immobilier différemment, note Benjamin Ficquet, Directeur Property et Exploitation chez Icade. On est passé d’une gestion de propriété à une économie des usages dans le bâtiment. » Julien Vanderwalle, Directeur Corporate chez Sergic, surenchérit : « Les échanges avec les occupants ont évolué et la numérisation des logements est devenue naturelle. » Le cap serait encore plus facile à franchir, si on envisageait les rénovations sous l’angle de la santé ou le bien-être, comme le suggère Philippe Pelletier : « En Grande-Bretagne, la précarité énergétique est perçue comme un risque de pathologies. La rénovation permet ainsi d’économiser des sommes importantes en matière de santé, pas seulement d’assurer la solvabilité pécuniaire des occupants. »
L’épine dorsale digitale pour faire converger les données
Mais pour convaincre définitivement les acteurs du bâtiment de la nécessité d’intégrer cette structure numérique, cela passera forcément par une meilleure disponibilité et une meilleure fiabilité des données. « Seulement 30 % des données remontent correctement, du fait de la diversité de fabricants, de protocoles et d’unités, » alerte Thierry Chambon, Directeur général d’Energisme. Christelle Aroule, Directrice de la stratégie Building & Channels chez Schneider Electric, observe « que le bâtiment est de plus en plus instrumenté, mais de manière très désorganisée, entre télérelève, automatismes, etc. Le prochain axe de progrès sera celui de l’harmonisation de la donnée. » Or, pour la SBA, l’épine dorsale digitale du bâtiment permettrait de remettre de l’ordre dans le bâtiment et de faire converger les données vers plus d’unification et de sens. Pour les gestionnaires et les occupants, le sens sera apporté par les services rendus.
De nouvelles méthodologies appliquées au cadre de la rénovation des bâtiments
Déjà, des projets illustrent cette évolution, à l’instar de Smart Eco Rénovation, une expérimentation avec cinq bailleurs sociaux sur tout le territoire français, qui ont accepté d’installer une épine dorsale digitale sur certains immeubles en rénovation, dans un premier temps pour piloter les consommations d’énergie. « Aujourd’hui, ces bailleurs sont tous convaincus que cette structure numérique est la réponse aux usages de leurs locataires, sur les économies d’énergie, mais aussi sur les coûts d’exploitation, la sécurisation, le confort, ou encore le maintien à domicile des personnes âgées, conclut Christian Rozier. Accompagné par un sociologue, ce projet va nous permettre de mieux appréhender le sujet des services avec les locataires, d’obtenir des retours d’expérience et de concevoir des méthodes pour mettre en place efficacement cette architecture digitale dans le cadre de rénovations. »
20 experts réunis à BATIMAT pour un Big Bang de la rénovation des bâtiments
Olivier Gresle (Engie), Julien Vandewalle (Sergic), Nicolas Debeney (les Résidences Yvelines Essone), Benjamin Ficquet (Icade), Philippe Pelletier (Plan Bâtiment Durable), Yves Laffoucrière (Plan BIM2022), Mathieu Rivalin (CSTB), Philippe Rifaux (FFIE), Guy Lacroix (SERCE), Marine Carrat (Action Logement), Sébastien Meunier (ABB/Gimélec), Cédric Borel (IFPEB), Sébastien Delpont (Greenflex), Christelle Aroule (Schneider Electric), Christian Rozier (Urban Practices), Thierry Chambon (Energisme), Isabelle Portier (Immobilière 3F), François‐Xavier Jeuland (FFD), Jacques Bucki (Hestia Innov)